vendredi 27 juin 2014

Ma première "course au ciel": les 80km du Mont Blanc

10 mois après l'UTMB, retour dans les rues de Cham' pour ma première course de Syrunning, "course au ciel" pour les non-anglophones. Car oui, nous traileur on court le ciel, rien que ça! ;) Cette année le 80km est la course du championnat du monde d'ultra skyrunning. Le parcours a l'air magnifique et le plateau tout aussi relevé (championnat du monde oblige). Je suis contente de pouvoir "rencontrer" (de loin!) le gratin féminin dont on parle dans les journaux spécialisés. Je ne me fais pas d'illusion, nous ne vivons pas sur la même planête trail, mais cela sera un bon test pour voir où j'en suis. Et une bonne prépa pour la diag'.

Voilà donc ce qui nous attend: 80km/6000m+ selon les organisateurs, jusqu'à 90km/7000m+ selon certains GPS.


10' avant le départ, je suis sur la place de l'amitié à Cham' et j'entre dans le sas. J'y croise Mayou et Mick du TTT, puis Jean-Phi, Mr TraceDeTrail s'il vous plait. Cyril se place un peu plus derrière, préférant partir tranquille. Je suis placée plutôt devant mais à distance respectable des élites. Nous ne jouons pas dans la même cour!

Photo: Salomonrunning

4h pétante, le départ est donné pour quelque 1200 traileurs inconscients. Quelques minutes de bitume à peine pour traverser Cham', puis on attaque déjà la première montée qui nous menera jusqu'au Brévent (2450m). La bagatelle de 1500m+ sur les 8 premiers km, le ton est donné! Je monte bien, à mon rythme tranquille de début de course. Cyril me rejoint aux 2/3 de la montée. Le jour se lève petit à petit, découvrant une vue magnifique sur le Mont-Blanc.

Le jour se lève dans la montée du Brévent (Photo: Timothé Nalet

J'arrive au Brévent, premier sommet du jour, avec Cyril sur mes talons (1h47, 156ème). Je prends la poudre d'escampette dans la première descente, doublant une vingtaine de coureurs dont quelques féminines. Je passe Planpraz puis la Flégère sans m'arrêter (2h35, 124ème).

On rejoint un sentier en balcon jusque la Tête aux vents. Ce sentier, je le connais bien, je l'ai fait il y a 10 mois dans l'autre sens sur l'UTMB. Eh ben autant vous dire qu'il a beau être montant dans ce sens, il me paraît bien plus facile qu'il y a 10 mois après 29h de course! Nous sommes pile en face du Mont Blanc. La vue est extraordinaire, avec juste quelques petits nuages en collerette autour de ce massif majestueux. Impérial!

On continue à remonter l'UTMB jusqu'au col des Montets. Je continue ma progression. J'arrive au Buet (3h51, 110ème) où je retrouve Manu, le manager du team qui va me faire l'assistance sur la course (un grand grand grand merci à lui!). J'attrape quelques barres, remplis mes bidons puis repars. Je n'ai pas eu la présence d'esprit de lui laisser les quelques affaires chaudes en trop que je baladerai pour rien jusque Vallorcine, 4h plus tard.

Je repars à l'assaut du deuxième sommet du jour à travers le val de tré les eaux. Cette montée, je l'avais déjà faite en juillet dernier lors de ma semaine choc dans la région. Je sais que ça va être long, très long! Et le pire c'est qu'après ça, ce n'est pas fini! Je prends donc mon mal en patiente et monte tranquillement. Je rejoins Jean-Phi qui n'est pas bien. Je le double, essaie de l'encourager pour qu'il tienne le coup mais il n'est vraiment pas au mieux (il abandonnera malheureusement à Vallorcine, n'ayant pas résisté à l'appel du jaccuzi en famille ;)). Cette montée est dure, il y a beaucoup de rochers à enjamber mais qu'est ce que c'est sauvage, qu'est ce que c'est beau! J'arrive au col des corbeaux (6h00, 94ème), encore enneigé. Le contraste entre la neige blanche, le ciel bleu azur et les montagnes majestueuses me laisse baba.

On longe le lac vert, trace vert éméraude au milieu de la neige blanche. Le festival des yeux continue! Je passe le col de la terrasse, deuxième sommet du jour, d'où on bascule sur la descente vers le lac d'Emosson. Les premières centaines de mètres de D- se font dans la neige. Je skie avec mes NB, manquant souvent de tomber mais m'amusant comme une gamine!

Emelie Forsberg, lauréate du jour, toute en élégance dans le descente. Je passerai en ce point près d1h plus tard... (Photo: http://www.droz-photo.com/)

Arrivée au lac d'Emosson (6h40, 82ème), je remplis mes bidons puis repars sur un chemin en balcon des moins roulants. Il faut souvent mettre les mains, c'est crevant et on n'avance pas. Un peu déprimant pour tous, même si aujourd'hui avec la vue qu'on a sous les yeux on peut difficilement se plaindre! Enfin arrive le chalet de Loriaz, puis la descente vers Vallorcine. J'ai en ligne de mire une féminine, Li Dong (Chine) que je rejoins. A ce moment évidemment je ne le sais pas, mais on jouera à cache cache ensemble sur les 40 prochains km!

Lorsque j'aperçois les premiers bâtiments de Vallorcine, je me dis à tort que le ravito est juste là. Que nenni, pour une raison qui m'échappe l'orga a décidé de nous faire faire une boucle des plus inintéressantes avant de rejoindre le ravito. Je pense qu'à ce moment beaucoup commencent à fatiguer et cette boucle inutile est un coup au moral. Enfin voilà ravito où je retrouve Manu (7h59, 70ème). Bidons, barres, gels, je fais le plein. J'ai cette fois la présence d'esprit de laisser les affaires que j'avais pris pour la nuit (sauf la frontale! merci au gentil spectateur que me l'a fait remarqué).

Je repars en direction de l'aiguillette de Posette. Li Dong repart avec moi, mais elle semble un peu moins à l'aise sur cette partie raide et perd petit à petit quelques centaines de mètres. Malheureusement pour moi, à mi-montée on rejoint un chemin forestier bien large bien plat comme je ne les aime pas. Je sais qu'il faudrait courir mais à ce moment là je n'en ai pas la force (en fait surtout pas l'envie: c'est maladif, je n'arrive pas à courir sur les chemins que je trouve monotones). Je suis la rubalise le long des virages. Arrivée en haut du 2ème, je m'aperçois que j'étais il y a quelques minutes juste 50m plus bas. Et Li Dong, voyant cela, coupe tout droit pour éviter les zigzag (comme d'autres avant elle sûrement). Sur le moment je suis énervée car il est clair qu'elle va gagner quelques minutes précieuses comme cela. Je cogite toute seule, c'est idiot car 1) ça ne sert à rien de perdre de l'énergie pour ça, 2) je ne le sais pas encore mais de toute façon ce n'est pas ces 1-2 minutes de gagner ici qui changeront quoique ce soit au classement final (spoiler: Li Dong arrivera 10' devant moi), 3) je n'aurais pas osé le faire sur une course mais franchement je la comprends: quelle est l'utilité de ces grands lacets?

J'arrive à l'Aiguillette des Posettes (8h57, 68ème). Et là je découvre, ou plutôt re-découvre, une vue in-cro-ya-ble à 360 degrés. C'est juste à couper le souffle. Le Mont-Blanc, toute la vallée, franchement c'est fou! La descente qui suit est plutôt technique, ce qui me va bien. Je double quelques coureurs et rejoins Argentière où je fais le plein de boisson. Je sais que ce qui va suivre n'est pas ma tasse de thé: 8-9 km presque plat où il va falloir relancer. Je cogite peut-être un peu trop là dessus car je rate une bifurc (peut-être mal indiquée) et me retrouve plus bas dans Argentière. Mince flûte p*****!!! Un VTTite qui passait par là me prend sous son aile et c'est sous sa direction que je coupe à travers la forêt pour rejoindre le chemin, enjambant souches et troncs d'arbes, lui avec le vélo sur le dos. Gentil VTTiste, si tu passes par là, un grand GRAND merci!

Pile lorsque je déboule sur le chemin, je tombe sur Li Dong. J'avais fait un petit trou mais j'ai tout perdu en quelques secondes d'inattention. Un gros coup au moral pas de quoi m'achever. Le suspense reste entier pour la 10ème place F (bon ok, à part nous deux -et encore- tout le monde s'en fout) Sur les km qui suivent, roulant, elle est sûrement plus à l'aise et je force un peu pour la suivre. C'est peut-être d'ailleurs mon erreur. Toujours est-il qu'on arrive ensemble aux Bois (11h05, 64ème) où j'attrape une barre de Manu en passant et repars illico. Li Dong me rejoins quelques minutes plus tard. Je fais le début de la montée devant mais en fait je m'aperçois vite que je commence à ne plus rien avoir dans les jambes. Argh la fin risque d'être longue! Lorsque le chemin devient plus plat, Li Dong reprend une petite foulée que je ne peux suivre. Elle se retourne plusieurs fois pour m'encourager à la suivre (merci à elle, c'était vraiment sympa comme geste) mais je ne suis vraiment pas bien et je décide de ralentir pour m'alimenter et assurer la fin du parcours.

J'arrive bon an mal an à Montenvers (12h28, 64ème) où la vue sur la mer de glace est grandiose. Franchement sur ce parcours on en prend vraiment plein les yeux! C'est presque trop! Je continue sur un chemin en balcon. J'ai repris un peu du poil de la bête, essaie de relancer quand je peux (c'est à dire pas souvent). Je ne m'arrête pas au ravito du plan de l'aiguille (13h31, 64ème), je veux en finir au plus vite! "Vite" est un grand mot car en fait la dernière descente est interminable. Ca tourne, tourne et retourne. Chamonix est juste en bas pourtant j'ai l'impression qu'on ne s'en approche jamais. Enfin voilà les première ruelles et la dernière ligne droite. Je vois Manu derrière l'arche avec l'appareil photo. Juste pour le fun, je sprint jusqu'à l'arrivée (14h20, 59ème). J'ai la grosse banane: heureuse d'être allée au bout avec une course régulière, heureuse de m'en être mise plein les yeux. Heureuse de voir Manu heureux pour moi. Bref heureuse!

Les joies de l'arrivée

Au final je finis 10ème F, 59ème scratch sur 1200 au départ et 570 à l'arrivée (10%). Je suis loin, très loin des meilleures filles (1h40!!!) mais à mon modeste niveau j'ai fait une bonne course. Et encore plus important j'ai pris beaucoup de plaisir. Alors certes, le parcours est usant, peut-être trop. C'est plus du "skyhiking" que du "skyrunning" mais franchement niveau paysage j'ai jamais vu mieux. On en prend plein les yeux durant 80km. Le plaisir des yeux, l'enfer des mollets!

Comme toujours, un grand merci à tous les bénévoles, à Manu pour l'assistance de choc et à tout le team pour ces très bons moments partagés ensemble.