jeudi 23 octobre 2014

Folle diagonale!

Prédiagonale: Vendredi 17 octobre, alors que je pose pour la 1ère fois les pieds sur le sol réunionnais (avec certes 2h de retard), je sais que je ne peux plus reculer: je prendrai dans 6 jours le départ de la diagonale des fous qui est mon Objectif (avec un grand "O") de la saison 2014. Quelques jours plus tôt j'apprenais que suite à l'effondrement du taïbit, la parcours initial (à voir ici) serait modifié, et de ce fait rallongé, pour donner cette douce folie: environ 175km et 10 000 de D+. Je me dis qu'il faut être fou pour signer pour ça et encore plus timbré pour le finir.


Une petite rando au Maido est l'occasion pour moi de faire la douloureuse expérience du climat tropical. Verdict: humidité + chaleur = pieds gonflés = ampoules en moins d'1h de marche (j'ai toujours été bonne en maths). Je portais pourtant les chaussures que je pensais initialement mettre pour le Grand Raid... Par chance Cyril, qui me rejoint le matin du départ, pourra m'apporter des chaussures moins rigides (en l'occurrence des NB Leadville). Il me reste à croiser les doigts (de pieds) pour que ces chaussures, que je ne peux tester, conviennent...

Bizarrement je suis beaucoup moins anxieuse pour le GRR que pour l'UTMB l'an dernier. Je sais que ce sera plus dur plus long mais je sais aussi que je peux le faire. J'ai fait une bonne saison, normalement je suis prête. Et puis cette année (une fois n'est pas coutume), je bénéficierai de l'assistance de toute ma famille: Cyril bien sûr, le plus expérimenté d'entre tous; mon frère, ma belle-soeur et ma petite nièce, qui ont déjà oeuvré sur le GRP; et les petits nouveaux, mes parents et mon grand cousin Azzedine. Avec ce team d'assistants aux petits soins, je ne peux qu'être finisher!

Saint Pierre, départ: Arrivée sur place avant 21h (pour un départ à 22h30), je fais l'expérience d'un grand capharnaüm: des coureurs et des barrières partout, et personne, même les bénévoles, ne semble vraiment savoir où aller pour rejoindre le départ. Je trouve finalement la queue pour accéder au contrôle des sacs et échappe à celle pour les sacs de délestage. D'autres feront jusqu'à 1h de queue; pas les meilleures dispositions pour le départ d'un 175km.

Le peloton jaune fluo dans l'attente du départ (c) IPR.


Je rejoins l'espace des heureux bénéficiaires d'un dossard élite. Je ne connais pas grand monde et me sens toute petite au milieu de ces coureurs que je vois d'habitude dans les magazines. Sur la ligne de départ, la pression monte, en partie grâce au speaker qui fait monter l'ambiance. 5-4-3-2-1-0 c'est parti!

Top départ! (c) IPR

175km nous attendent, c'est long, et pourtant ça part vite (pour moi du moins). Les 8 premiers km sont du bitume presque plats où les routards peuvent envoyer. La vitesse n'est pas mon fort, j'essaie de ne pas me laisser entrainer en partant en sur-régime mais en même temps je sais bien qu'il ne faut pas s'endormir au départ pour éviter les bouchons aux premiers sentiers. L'ambiance sur ces premiers km est juste incroyable: une file interrompue de spectateurs qui hurlent! J'en avais entendu parler mais le vivre c'est encore autre chose! Je me fais doubler par de nombreux coureurs sur ces 1ers km. Je me dis que c'est normal, surtout ne pas paniquer, rester dans ma bulle et garder mon rythme. Aude Diet du TTT me rejoint, on échange quelques mots ("t'as vu cette ambiance c'est fooooooou") puis elle prend la poudre d'escampette. Il est clair que nous n'avons pas la même vitesse (heureusement pour elle). Je ne la connais pas bien et n'ose pas lui dire mais j'espère juste qu'elle ne part pas trop vite, la route est encore longue, très longue.

Domaine Vidot, km14, 1h32, 270ème scratch: 1er ravito, je ne m'arrête pas. Pour l'instant je ne prends pas beaucoup de plaisir, nous avons eu presque que de la route (euh je croyais que c'était un trail?) et le peloton est encore très dense, j'attends avec impatience que cela s'étire. Voilà qu'enfin les premiers sentiers arrivent. Et avec eux les premiers bouchons. Force est de constater que des coureurs qui étaient bien plus à l'aise que moi sur le bitume sont en difficultés dès qu'on en sort et que la pente s'élève. Me voilà bloquée (comme bien d'autres) derrière des coureurs qui n'avancent plus. J'enrage un peu mais je me rassure en me disant que c'est peut-être un mal pour un bien: l'occasion de reprendre son souffle et de faire redescendre le coeur après ce départ rapide (toute proportion gardée).

Forêt Mont Vert, km24, 3h17, 169ème scratch: c'est ici que je dois avoir mon 1er point d'assistance par Azzedine et Cyril. Pourtant j'arrive au ravito et aucune trace de mes compères. Je regarde l'heure: c'est vrai que j'ai plus d'1h d'avance sur mon planning (de 35h)... Il faut croire que le départ était bien plus roulant que ce à quoi je m'attendais! Pas de panique, je me sers au ravito de l'organisation: mélange eau-coca pour remplacer la boisson énergétique absente au ravito, quelques bouts de sandwich pain de mie-jambon (pas terrible) et c'est reparti. 3km de bitume puis on rejoint enfin un sentier qui ressemble à du trail. Je vois que mes jambes sont bonnes. C'est de bonne augure mais surtout ne pas s'emballer! D'autant plus que la brume arrive, avec elle le froid, la pluie et le vent. Je mets ma veste. J'ai déjà fait l'erreur de ne pas assez me couvrir à la TDS 2013 et j'ai retenu la leçon. Je double Julia Bottger qui claque des dents en courant. Cela me rappelle Agnès et moi sur la TDS, rôles inversés.

Piton Textor, km40, 5h42, 95ème scratch: voilà le 1er sommet du jour (2150m). Je ne m'arrête pas au ravito et entame la descente à bonne vitesse. Trop peut-être car les rochers sont mouillés et sur un mauvais appui je glisse et tombe de tout mon poids le genou gauche en avant sur un rocher pointu. Un cri m'échappe, j'ai très mal. Ah non p##### je ne peux pas me blesser maintenant alors que je n'ai encore rien fait! Je continue en boitant, surtout repartir, ne pas se refroidir. Le genou me lance mais je me répète que ce n'est sûrement qu'un bleu et qu'on n'arrête pas pour un bleu! Non mais! Je retente de trottiner, voilà j'y arrive, c'est pas encore la belle foulée (l'est-ce jamais?) mais j'avance. Au fur et à mesure je m'habitue à la douleur et commence à l'oublier.

Mare à Boue, km50, 6h57, 79ème scratch: il commence à pleuvoir fort et surtout le vent souffle. J'ai froid. Euh on n'était pas censé être sous les tropiques? Je ne vois rien avec mes lunettes et c'est guère mieux sans. J'avance au radar mais heureusement, pas de difficulté, on est (encore) sur une partie goudronnée. 3km de bitume donc, puis voilà le ravito. Cette fois Azzedine est là, sous la pluie, à m'attendre. Il me dit que Cyril est plus loin; j'apprendrai plus tard qu'en fait, glacés par la pluie, ils se relayaient depuis 45' pour m'attendre, l'un au ravito, l'autre allant courir pour se réchauffer! Désolée les gars de vous avoir fait ça... Pour la petite histoire, trempés jusqu'aux os, ils devront ensuite aller se racheter des vêtements au décath le plus proche! Ravito express, changement de lunettes, le tout partiellement sous la pluie (les tentes de ravito sont interdites à l'assistance). J'ai les dents qui claquent et repars en croisant les doigts (bleus) pour que les conditions s'améliorent d'ici Cilaos, prochain point d'assistance où je retrouverai mes parents. J'atteins le coteau kerveguen, 2ème sommet du jour (2206m), avant de redescendre en direction de Cilaos. Dans la descente je rattrape "Stu" un anglais globe-traileur qui semble avoir roulé son camelback sur les trails du monde entier. On parle de trail (en anglais), ça fait du bien de parler après 7h d'abstinence. On a retrouvé le soleil et par la même occasion le sourire.

Avec Stu à Cilaos (photo: Francis Blanchet)

Cilaos, km65, 9h59, 63ème scratch: Mes parents, Lydie, Mirella et Menza m'attendent pour l'assistance. Mon père manque de ne pas me reconnaitre et ma mère sautille de joie en me voyant "ohlala ma fille". Tout ce qu'il y a de plus normal. Sauf que ça me fait tout drôle de les voir là, c'est la 1ère fois qu'ils viennent me voir sur un trail. Et je ne leur ai pas donné le point d'assistance le plus facile: la bagatelle de 2h de route, tout ça pour me voir 2' comme se moquera ma mère plus tard ("ben oui mman figure toi que je fais une compet là"...). Ce qui m'attend ensuite, après de nouveau 4km de bitume, est une des grosses difficultés de la journée: la montée au refuge de la caverne Dufour, un peu plus de 1300m D+. La montée est raide et longue. Le genou sur lequel je suis tombée quelques heures plus tôt recommence à me faire souffrir. Je redoute un moment la tendinite mais je finis par me convaincre que ce n'est qu'un choc. Passé le sommet (2480m), j'entame la longue descente (1800m D-) vers le gite de Belouve. J'ai moins mal en descente et (erreur peut-être) je commence à envoyer. Je double plusieurs coureurs dont Manu Lang, qui m'emboite le pas. On commence à discuter, c'est un raideur-orienteur très expérimenté. Il était bien parti sur le grand raid mais a quelque peu explosé dans la montée vers la caverne Dufour. On parle un peu, de trail, de raid et de nos vies. Manu semble content d'avoir quelqu'un pour lui donner du rythme dans la descente et j'apprécie moi-même sa compagnie. Cette descente est technique et usante: d'abord des cailloux mouillés où les appuis tiennent mal, puis une flopée de grosses marches, enfin des racines et troncs d'arbres à enjamber dans la forêt de Bélouve. On aura tout eu!

A l'arrivée à Hell Bourg (photo: Jenny Stephenson)

Hell Bourg, km87, 14h31, 48ème scratch: je suis contente de retrouver mes assistants pour une pause salutaire. Mon équipe est impressionnante: Adrien mon frère, Jenny ma belle-soeur et Sophie ma nièce préférée (certes la seule), arrivés tout fraichement de métropole, ont rejoint Cyril et Azzedine. Cette petite pause est d'autant plus appréciable que la descente infernale m'a cassé les jambes. Les cuisses commencent à chauffer et le genou gauche me fait mal à chaque pas. Il reste la bagatelle de 90km, bon ben il va falloir tenir... Cyril m'annonce que ma frontale n'a pas apprécié l'humidité de Mare à Boue et que je vais devoir en prendre une autre, plus lourde et pas régulée, avec laquelle je ne cours jamais. Mince alors!

Ravitaillement express sous les yeux de ma petite nièce (photo: Jenny Stephenson)
Je repars pile au moment où Manu sort du ravito. On continue donc notre bonhomme de chemin ensemble jusque la plaine des Merles. Manu me dit qu'on a un bon rythme, pourtant je sens bien que les choses sérieuses commencent: les cuisses qui chauffent et ce foutu genou qui me tiraille.

Plaine des Merles, km101, 17h29, 46ème scratch: je retrouve pour mon plus grand plaisir mon équipe en or, sauf Cyril parti retrouver mon père pour le prochain point au Maido. Je ne reste que quelques minutes, et c'est reparti direction le col des fourches puis le cirque de Mafate, le plus sauvage d'entre tous. Je suis toujours avec Manu.


A la plaine des Merles (photo: Jenny Stephenson)
Roche Plate, km 114, 20h47, 35ème scratch: La traversée du cirque de Mafate est superbe. Nous sommes sous un grand ciel bleu, c'est sauvage et grandiose. Ah cette lumière de fin de journée sur les parois vertes du cirque! Le coucher de soleil dans Mafate restera mon plus beau souvenir. Pourtant le tracé n'est pas facile et ces bosses pour rejoindre Roche Plate bien casse-pattes. Nous avons rejoint plusieurs coureurs et sommes une petite dizaine dans un mouchoir de poche à Roche Plate, aux pieds de la montée vers le Maido. La nuit est tombée, je sors la frontale, allume la musique (comme à mon habitude chaque nuit). Je suis parée pour affronter les 1000m D+. J'adopte un rythme de tortue mais de tortue régulière et, bon an mal an, Manu et moi gagnons de l'altitude. C'est maman tortue et papa tortue à l'assaut du Maido! La montée est dure, surtout après 22h d'effort. Je m'arrête plusieurs fois mais j'en viens finalement à bout. Manu m'annonce qu'il arrête malheureusement l'aventure ici. Fatigué, il ne se sent pas de finir sans hypothéquer le reste de son séjour en famille. Ciao l'ami et merci pour ce bout de chemin ensemble!

Maido, km121, 22h56, 34ème scratch: je retrouve mon père et Cyril. Ils m'apprennent que Uxue Fraile, qui est 2ème féminine, vient juste de partir et semblait ne pas être au meilleur de sa forme. Je suis surprise car aux dernières nouvelles, à la plaine des Merles elle avait 35' d'avance et je ne pense pas avoir fait une course exceptionnelle entre temps. Quoi qu'il en soit, la route est encore longue et je décide de faire une pause "comme si de rien n'était". Je repars avec la nouvelle frontale achetée par Cyril entre temps (3ème frontale de la journée, record battu!). Et avec la ferme intention d'essayer de rattraper Uxue d'ici Sans Soucis. C'est parti mon kiki.

Au ravito du Maido avec Cyril (photo: Francis Blanchet)

La descente est longue (1800m-), je cours bien et inévitablement, je rejoins Uxue dont la foulée me semble bien difficile à ce moment là. Je la double en marmonnant des "allez allez courage".  Pas très original mais je ne sais jamais trop quoi dire dans ces cas là!

Sans Souci, km133, 25h11, 29ème scratch: je n'ai pas prévu d'assistance ici et je m'arrête à peine, juste le temps d'avaler quelques morceaux de leurs crêpes légendaires! Ce que je ne sais pas c'est que mon frère Adrien a voulu me faire la surprise de me ravitailler ici. Mais surprise Blanchet = surprise ratée: arrivé en avance, il s'est perdu en remontant la course et je passe finalement sans le voir.

La suite du parcours jusque la possession n'est pas des plus glamour. La traversée de la rivière des galets me semble interminable et peu intéressante. La montée suivante est limite une blague, sans autre but que d'ajouter des km et du D+ (qui pourtant ne manquent pas). La descente au milieu d'une forêt dense, sans chemin ou presque, est d'anthologie: je peine à trouver le chemin mal indiqué, je suis seule dans cette forêt austère et sombre, je me sens toute petite. Pour la première fois, j'ai un petit coup de panique. Je serais tellement contente que quelqu'un me rattrape, juste pas Uxue siouplé! Sur le chemin Ratineau qui suit, je retrouve mon canard boiteux Laurent Brochard. On a tous les deux du mal à courir mais sur les rares parties peu techniques: lui pour cause de genou douloureux, moi pour cause d'échauffements de la voute plantaire. Les cuisses commencent à être bien dures, sans parler de ce genou gauche douloureux depuis 20h. Autre difficulté, depuis le début de la nuit j'ai une terrible envie de dormir. Je mange régulièrement des pastilles à la menthe pour me réveiller et dois me forcer à garder les yeux ouverts. Ohlala ça va être long cette histoire! Pour ajouter de la galère à cette galère, voilà que ma nouvelle lampe me lâche subitement. Décidément, c'est pas mon jour avec les frontales! Pourtant je suis partie avec des piles neuves au Maido, 5h plus tôt, c'est bizarre cette histoire. En fait je comprendrai plus tard qu'une des trois piles a été mal enclenchée et que la lampe ne fonctionne depuis le début sur deux piles seulement, maintenant vidées! Je vois tellement mal que je décide finalement de replacer cette lampe par ma lampe de secours qui doit éclairer autant qu'un briquet...

Possession école, km152, 29h37, 29ème scratch: Entre mes douleurs plantaires et mes soucis d'éclairage, je n'ai jamais été aussi contente de retrouver un point d'assistance! Je (re-re-) change donc de frontale pour le modèle lourd que j'avais dans Mafate (ma lampe officielle ne s'étant toujours pas remise de Mare à Boue). Verdict des pieds: mouillés depuis Mare à Boue il y a plus de 20h, ils sont tout crevassés maintenant. Erreur de débutante, j'aurais du me changer avant! Somme toute je ne m'en sors finalement pas si mal puisque je n'ai aucune ampoule. Je me nok, change de chaussettes et chaussures, et repars. Mes pieds sont moins douloureux. A la sortie du ravito, un bénévole me dit "c'est pas dur c'est tout droit". C'est ainsi que je me retrouve à trottiner sur la route le long de la 4 voies. Moment bucolique... Et moment de doute également: je ne vois aucun balisage pendant 1km, suis-je sur la bonne route? Il est 4h du mat, il n'y a personne à qui demander et aucun coureur derrière moi. Subitement, est-ce une hallucination?, je vois un vendeur de samossa (oui, à 4h du mat...) sur le bord de la route qui me confirme que je ne me suis pas perdue. Ouf! Effectivement, je retrouve peu après le chemin des anglais dont j'ai entendu, à raison, le plus grand mal! Suit 1h30 de marche où je pose mes pieds comme je peux et surtout où je peux dans un capharnaüm de blocs de pierre. C'est exténuant! Merci, vraiment merci les english! Et le pire dans l'histoire c'est que, comme me l'apprend un coureur qui me dépasse, Uxue est maintenant juste derrière moi! Je pensais pourtant avoir de l'avance (effectivement 13' au chemin Ratineau) mais je comprendrai plus tard qu'elle a comblé partiellement son retard en ne s'arrêtant pas aux deux derniers ravitos.

Grande Chaloupe, km159, 31h13, 28ème scratch: Je sors enfin de ce calvaire anglais. Au ravito j'annonce à mes assistants que je ne m'arrêterai pas car Uxue est juste derrière. Cyril semble un peu inquiet que je ne mange rien (mauvais souvenirs de l'UTMB) mais je sais ce que je fais, j'ai encore de la boisson et de quoi me ravitailler. Juste le temps d'enfiler le débardeur obligatoire de l'organisation pour cette fin de course et je repars. Un peu plus loin, sur le chemin des anglais (version soft par rapport à tout à l'heure), je jardine quelques minutes à une intersection douteuse où je ne vois aucune rubalise. La montée est longue, je regarde régulièrement derrière mais ne vois pas Uxue, ni aucun autre coureur d'ailleurs. Après 350m D+, on rejoint une route (ça faisait longtemps), puis de nouveau un sentier. Là, je ne sais pas trop ce qu'il se passe, perte de concentration ou mauvais balisage (ou les deux), toujours est-il que je me perds et y laisse encore quelques minutes supplémentaires. Il faut dire que mentalement je suis exténuée, même si physiquement ça ne va pas si mal: mes yeux se ferment et je m'endors plusieurs fois en courant! Alors que je récupère le bon chemin, je vois arriver Uxue à mon niveau. On est coude à coude sur cette fin de montée. Arrivées en haut, on perd toutes les deux notre lucidité car nous voilà parties en sprint! C'est complètement ridicule puisqu'il reste presque 1h de descente mais à ce moment là nous sommes toutes les deux incapables de réfléchir! Je prends un peu l'ascendant sur Uxue au début de la descente que j'aborde comme une voiture de F1 (crevée). Mais je suis mentalement trop fatiguée, je m'endors plusieurs fois en courant et ce qui devait arriver arriva: à quelques centaines de mètres de la fin du sentier, Uxue me rattrape de nouveau. Ah non alors, elle ne va pas me doubler maintenant cette satanée basque!! ;) J'accélère alors qu'on rejoint la route et prends de nouveau de l'avance. J'entre en tête dans le stade de la Redoute, vois Cyril et Adrien à l'entrée, tout contents pour moi. Je ralentis sûrement pour leur parler et faire signe à ma famille. Je souris, suis heureuse, jusqu'à ce que j'entende mon frère me hurler "sprint Juliette sprint"! Uxue m'a de nouveau rejoint! C'est un cauchemar, ça ne s'arrêtera donc jamais? Je jette mes dernières forces dans le sprint du désespoir. Je ne sens plus aucune douleur, j'ai l'impression de voler, je dois faire au moins du 12km/h! ;) Je franchis la ligne en tête, ouf 2ème femme!


Arrivée au sprint (photo: Francis Blanchet)

Uxue arrive 8' plus tard. Sur 34h de course, cet écart est ridicule! Quel final quelle bataille jusqu'aux derniers mètres!

Avec Uxue à l'arrivée (photo: Francis Blanchet)

Au final je termine donc la course en 34h17, 30ème scratch sur 1147 finishers (3%), 2ème féminine. Cette performance était inespérée. Je pensais le top10 féminin réalisable, je rêvais d'un top 5 et me voilà 2ème! Ceci étant dit, je suis consciente d'être passée tout près de la 3ème place et très loin de la 1ère: je n'aurai jamais vu Nathalie Mauclair qui finit avec presque 3h d'avance sur moi! C'est juste un autre monde. Il y a les extraterrestres et les terrestres derrière. Je suis fière d'être 1ère terrestre! ;)

Postdiagonale: la remise des médailles le lendemain est un moment très fort avec beaucoup d'émotions. Je suis fière d'être sur le podium avec de si grands champions et championnes.

Podium scratch du grand raid (photo: Thimothee Nallet)
Ce que l'histoire ne dit pas c'est que je finirai cette soirée mémorable aux urgence de St Paul! En effet depuis l'arrivée l'état du genou gauche sur lequel j'ai chuté en début de course a empiré. A la remise des prix déjà je ne peux plus plier le genou d'un iota! Finalement plus de peur que de mal: ce n'est qu'un gros bleu interne. Qui me faudra tout de même une belle attelle pendant 3 jours!

Remerciements: Chaleureusement, sincèrement, du fond du coeur je souhaiterais remercier tous ceux qui ont fait que cette diagonale soit une réussite:
- mon "staff" de luxe d'abord: Cyril, Adrien, Jenny, Sophie, mes parents, Azzedine, Lydie, Mirella et Menza. Vous êtes pour beaucoup dans ma motivation pour finir, et bien finir, ce grand raid.

Et voici le staff Blanchet (photos: Blanchet)
- Denis Fritsch pour m'avoir fait souffrir à distance deux fois par semaine sur les berges de l'Isère! J'étais prête pour ce grand raid et ça s'est vu!
- Ma famille, mes amis, mes collègues qui m'ont suivie et encouragée à distance le long de ces interminables 34h. Avec une mention spéciale à Patrick "de l'étage d'en dessous" pour les SMS de suivi live!
- Isostar pour son soutien et son team trail pour tous les excellents moments partagés, les fous rires, les délires de Pascal, les entrainements commando de Régis et le soutien indéfectible de ses trailmanagers, Manu et Guillaume.
- Les membres du TTT (son prez François en tête) pour le suivi live depuis Millau et ailleurs, et tous les moments de convivialité partagés.

Ainsi s'achève ma saison 2014. Merci à tous et à l'année prochain sur les sentiers!