samedi 28 avril 2018

MIUT 2018 - Ultra famille

Deux ans après ma première participation, me voici de retour en terres madériennes pour le MIUT. Enfin le retour sur l'ultra trail world tour! Je n'ai pas fini de 100k depuis juillet 2017 (GGUT)... 9 mois! On peut dire que ce fut long! J'aborde cette course avec beaucoup d'envie et d'impatience... mais des doutes omniprésents. La prépa ne s'est pas passée comme je l'aurais souhaitée et pour différentes raisons j'arrive avec un fort déficit en km. En fait ma seule sortie longue fut mes 8h sur l'écotrail de Paris, sur un profil bien différent du MIUT. Aujourd'hui il va falloir s'enfiler 115k et 7200+!

[voir la trace sur tracedetrail]

A quelques minutes du départ, je cogite beaucoup: côté vitesse, je me trouve plutôt bien (merci Guillaume!) mais côté endurance c'est la grande inconnue: avec si peu de km et D+ dans les jambes, arriverai-je même à finir? J'essaie de penser positif: oui, ça va le faire, oui le genou va tenir, non tu ne vas pas te (re)blesser. C'est qu'une saison 2017 de galères, ça marque le moral quand même! Je me répète qu'il ne faut pas y penser et aller de l'avant. Surtout que pour palier au déficit d'entrainement, je peux compter aujourd'hui une aide certaine: les encouragements de toute la famille Blanchet (ou assimiliée) qui s'est déplacée "en masse" (!) à Madère: Cyril, parents, grand frère, belle-soeur, petits neveux. Aujourd'hui, je n'aurai pas une mais huit paires de gambettes pour en venir à bout!

Avec les potos du team sur la ligne de départ: Javier, Audrey, Gedi et Scotty. Photo: FB de CanoFotoSports


A 0h, le départ est donné de Porto Moniz. Maintenant c'est simple, il suffit de retraverser l'ile jusque Machico, à l'exact opposé. En passant certes par quelques "petites" grimpettes. On entre tout de suite dans le vif du sujet avec une première bosse quelques mètres après le départ. Ca grimpe sec mais c'est roulant puisque toute la première heure se fait sur bitume (dommage, mais heureusement il n'y en aura plus ensuite). J'essaie de prendre un rythme régulier. Audrey est avec moi pendant un certain temps mais j'ai l'impression d'être partie un peu vite et je décroche au début de la deuxième bosse, préférant temporiser. Rapidement je ne la vois plus... et ne la reverrai d'ailleurs plus!

Avec Audrey dans les premiers escaliers. Photos: FB de Ski & run

On enchaine deux km verticaux bien raides, entrecoupé par une descente non moins raide, avant d'arriver à Estanquinhos (km29, 4h39) où je retrouve les deux hommes qui partagerons ma nuit (plan à 3): Cyril et mon frère. Ravitaillement express et c'est reparti presque illico. Non sans mal d'ailleurs, car je commence déjà à sentir les gambettes qui fatiguent. Il reste la bagatelle de 14h de course.... Fastoche...

Nouvelle descente technique jusque Rosario (km37, 5h37), puis nouveau km vertical. C'est extrêmement bien balisé mais même sans cela, je pense que je pourrais trouver le chemin: il suffit de suivre les pentes les plus raides, en montant comme en descendant! Et s'il y a un doute, suivre les plus gros rochers! :)

Alors que quelques minutes plus tôt encore, le ciel étoilé était magnifique, voilà qu'on entre dans les nuages et qu'il se met à pleuvoir. Euh, il y a eu une fracture spatio-temporelle là ou quoi? A moins que ce soit "l'effet papa", le chat noir de l'assistance: à Encumeada il a rejoint Cyril et mon frère et le dieu du trail veut qu'il pleuve et caille dès qu'il me fait un ravito! C'était déjà évidemment lui sur l'écotrail de Paris!

Il continue de pleuvoir et le vent s'en mêle sur les crêtes. Je perd pas mal d'énergie à essayer de me réchauffer. Est-ce lié ou pas, le tendon d'Achille gauche commence à s'enflammer. Ca empire en descente et je commence à (re)cogiter: est-ce que je vais pouvoir finir? Est-ce qu'il va me falloir (encore) abandonner? Ah les doutes! Je sais que l'abandon serait très dur pour le moral mais en même temps je veux éviter à tout prix la tendinite. A Curral das Freiras (km60, 9h09), je retrouve Cyril et lui fait part de mes soucis avec un "je continue mais je ne sais pas si j'irai au bout".


Au ravito de Curral das Freiras sous la caméra d'Ale. Photo: FB vibram

Mais dès que je repars, surprise, pendant les 30'' qu'ont duré mon ravito, l'inflammation s'est magiquement en partie estompée! En fait, j'ai sûrement paniqué suite à mes déconvenues de 2017 (2 DNS, 2 DNF). C'était peut-être aussi les signes d'un début de déshydratation puisqu'avec le froid j'ai trop peu bu. Bref, plus de peur que de mal puisque la douleur passera au fil des km.

Si la douleur s'est envolée, mes dernières forces se sont fait la malle avec. Dans la "montée de la mort" vers Pico Ruivo, je n'ai aucune force. Je m'arrête plusieurs fois, repars pour quelques pas, m'arrête encore. Pétard c'est long! Les derniers km en crête sont IN-TER-MI-NA-BLES. Ca n'en finira donc jamais! Je craque un peu au moral mais honnêtement c'est surtout les jambes qui me font défaut. Elles étaient prêtes à faire 10h de course, pas près du double! Si les gambettes ne veulent plus pousser, c'est la tête qui va devoir prendre le relais. Je continue à avancer bon an mal an mais il faut avouer que je vais subir toute cette "fin" de course.

Les gambettes fatiguées. Photo: FB de João M. Faria


Au Pico Ruivo (km70, 11h57), commence un long chemin de croix vers Pico de Areeiro. Ce passage est magnifiquement beau mais aussi magnifiquement dur. Ah ça c'est sûr, il faut aimer les escaliers! Et raides s'il vous plait! Et avec des grandes marches! Personnellement je n'en demandais pas tant! J'ai toutes les peines du monde à rejoindre Areeiro mais quel bonheur de retrouver là haut tout le team Blanchet, les sautillements de ma mère, les photos ratées de mon père, les cris de Jenny, le flot de paroles ininterrompu de mon frère et surtout, surtout, les sourires de mes petits neveux et leur banderole surprise "Gogogo Tatie Juliette". So cute!


Dis papa, c'est encore long? Photo: FB de João M. Faria

Ca me redonne un peu de force mais c'est de courte durée. Je me traine jusque Chão da Lagoa (km80, 13h35). Je suis faible, j'ai la tête qui tourne. En fait j'ai du mal à m'alimenter depuis quelque temps. J'ai commis plusieurs erreurs: ne pas assez me couvrir quand il faisait froid, ne pas assez manger solide en début de course. Je finirai la course au mental en m'alimentant peu, trop peu.

A Poiso (km90, 15h20), je retrouve les encouragements XXL du team Blanchet et le sourire avec. Merci mille fois! Vous étiez top! Arrivée à Portela (km99, 16h24), je sais qu'à partir de maintenant c'est roulant ("ça ne fait que descendre" comme dirait mon frère qui n'a jamais regardé le parcours...). Il y aura plusieurs petites bosses mais surtout plusieurs longues portions de plat où il va falloir courir. Surtout qu'on m'annonce que la 4ème féminine derrière est revenu à 3' de moi. Elle m'a repris plusieurs minutes cette dernière heure et si ça continue comme cela, elle va me doubler, c'est inévitable. Si ça arrive, soit, c'est le jeu de la course, mais je ne veux pas lui faciliter la tache. Alors je relance autant que je peux, quand je peux.

Le passage en balcon après Larano (km104, 17h11) est toujours aussi magnifique. On surplombe la mer, c'est impressionnant. Ce passage, je m'en souvenais bien mais il me fait toujours le même effet! Houahou! La partie suivante par contre est longue mais longue mais longue. Pas moche mais elle n'en finit pas. Surtout que j'ai toujours le stress d'être rejoint par la 4ème. D'ailleurs à un moment je crois qu'elle me rejoint, me mets sur le côté pour la laisser passer mais quel soulagement d'entendre une voix rauque masculine me dire "thank you"!

Finalement me voilà dans les rues de Machico, je me retourne une dernière fois mais pas de féminine en vue. Je franchis la ligne en 18h38, 3ème femme, 43/496 scratch (9%). Je laisse échapper un "putain, j'suis défoncée", capturée en direct par les caméras! Il vient du fond du coeur celui-là!


Soulagée! Photo: Roberta Orsenigo pour FB vibram


Evidemment en premier lieu je voudrais remercier la team Blanchet pour le soutien incroyable sur cette course. Ce podium, je vous le dois beaucoup! Obrigada obrigada obrigada! Merci également à ceux qui me soutiennent toute l'année: vibram, NaïtUp et Hammer Europe. Et évidemment merci aux organisateurs et bénévoles de nous permettre de vivre cette folle course, si raide mais si belle!

Pour finir, un grand bravo à Audrey que j'aurai essayé de rejoindre en vain pendant 18h! Et un énorme chapeau à Mimmi qui finit la bagatelle de 2h47 avant moi!!! Dingue!

Prochain RDV sur la Pastourelle avec le TTT.


5 commentaires:

  1. Bravo Juliette, superbe course au moral, c'est un ultra assez difficile mais tu t'es bien battue.....et le récit, quoi dire, je suis toujours content de te lire. Bonne récupération et à la prochaine.... course pour un récit. Bravo encore.

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  2. Superbe course que je dois inscrire à mon planning :)
    Quel récit Juliette ! Je me suis revu dans les escaliers entre les deux hauts Pico que j'ai fait lors d'une rando-trail (lever de soleil au Pico Arriero, seul, magnifique !) mais je disgresse, bravo pour ton finish, quel mental!
    Bonne récupération et bonne saison :)

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  3. Je t'attends sur les sentiers de l'ultra beaujolais villages trail le 27 avril 2019. 80km qui défoncent aussi �� !! Bonne saison et à+.

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  4. Arrête de nous faire croire à ton courage et à ton désintéressement: chacun sait que tu as fait cette promenade madérienne pour le bouquet de fleur offert par l'organisation et la casquette Vibram que tu as reçue avant même de courir.

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  5. Éve CHAILLAT8 mai 2018 à 18:04

    Bravo qu'elle force mentale. Voilà un récit édifiant

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