samedi 31 août 2013

L'UTMB, quelle aventure!

Vendredi 30 août: ça y est, le grand jour est arrivé, c'est aujourd'hui le départ de l'UTMB. Je me lève en ayant bien dormi, c'est bon signe. Je finis les derniers préparatifs pour la course. Au fur et à mesure que se rapproche l'heure fatidique, je sens le stress monter: les jambes qui tremblent, le dos qui se crispe. La dernière fois que j'ai ressenti ça c'était l'an dernier pour les auditions du CNRS. Une autre histoire. Aujourd'hui ce qui m'attend c'est ça:


Pas de quoi avoir peur pourtant....

Vendredi 16h15: j'entre dans le sas de départ. J'ai la chance de pouvoir entrer au dernier moment comme les élites. Je me place à une distance raisonnable de la première ligne. Mon but est de partir à mon rythme et de me mettre le plus vite possible dans ma bulle. Surtout ne pas partir sur un rythme qui n'est pas le mien.

Cherchez Charlie. Si si, on me voit!

Vendredi 16h25: la musique de Vangelis retenti. Il y a de l'électricité dans l'air. J'ai les poils qui se hérissent, une boule dans la gorge. C'est assez incroyable cette tension, il n'y a qu'à l'UTMB que je n'ai jamais ressenti ça.

Vendredi 16h30: hop c'est parti. Advienne que pourra. Je prends un départ correct. Je pars plus où moins à la vitesse que j'adopterais sur un 100km. Le début est roulant. Ca se court sans problème jusqu'aux Houches. Je sors les bâtons pour la montée du Délevret, plus pour m'économiser qu'autre chose. Je suis en mode tranquille.


Je double quelques personnes dans la descente jusque St Gervais. Je ne m'arrête pas au ravitaillement, pas besoin de me ravitailler. Il me reste 10km roulant jusqu'aux Contamines et j'ai largement de quoi tenir.

Vendredi 20h21: j'arrive aux Contamines, premier point d'assistance. Je dois y retrouver Cyril. Mais gros coup de flippe: dans la zone d'assitance, pas de Cyril. Panique à bord: c'est lui qui a ma frontale pour la nuit. A ce moment là je n'ai que deux e-lite dans mon sac et je ne me vois pas passer la nuit avec ça. Je sors mon portable pour l'appeler, ça sonne dans le vide... P#@#@#!!! Soudain j'entends "Juliette je suis là". Ouf!!! En fait Cyril vient tout juste d'avoir l'autorisation d'entrer dans la zone d'assistance. Le gars de l'orga ne voulait pas le faire entrer avant car selon les prévisions de l'UTMB je devais arriver 20 min plus tard, et pourtant j'ai été plus que régulière... Faudrait peut-être revoir un peu ça Mr les organisateurs.
Du coup ce petit coup de flippe m'a un peu stressé et je repars presque illico du ravito, juste le temps pour Cyril de vérifier que j'ai bien bu et bien mangé jusque là et de me remettre à niveau pour la nuit. Je repars avec deux sandwichs à la main que je voulais initialement manger au ravito mais que je prends pour la route. Erreur: je n'arriverai pas à les manger en courant et les laisserai dans une poubelle au prochain ravito, à Notre Dame de la Gorge.

Vendredi 21h36: voici la Balme. Enfin oserais-je dire. Jusque là le parcours n'était pas des plus intéressants: principalement de gros chemins en fond de vallée pour étirer le peloton. C'est à partir de la Balme que l'on entre véritablement dans le vif du sujet. Je sais que cette partie va être longue et dure. Trois sommets nous attendent: la croix du Bonhomme, le col de la Seigne et l'Arête du Mont Favre. Tout un programme!
Je croise André du Team RL avec qui j'échange quelques mots. La nuit tombe, je sors la frontale (stoots Minimax) et mon play2run pour la musique. La musique me permet de me mettre dans ma bulle. C'est une vraie compagnie plus pour passer la nuit que je trouve souvent monotone. Je suis parfaitement couverte (ni trop chaud, ni trop froid), faut croire que j'ai retenu la leçon de la TDS! Néanmoins j'ai du mal à boire la boisson de mon camel que je trouve trop froide et je ne bois qu'aux ravito (un peu de coca, de la soupe). Je mange quelques barres mais peut-être pas assez.
La nuit passe bon an, mal an. Je me prends plusieurs fois à penser que c'est quand même dommage de faire toute cette partie de nuit alors qu'elle doit être fabuleuse de jour. J'essaie de profiter de la magie du ciel dégagé, de l'enfilade de milliers de frontales dans la nuit noire. C'est toute une atmosphère difficile à décrire.



Samedi 04h12:  Arrivée à Courmayeur. Je suis contente de retrouver Cyril et Alex pour l'assistance mais plus encore pour leur présence. Cyril vérifie ce que j'ai mangé et me dit qu'il faut que je mange plus. Je lui répond que j'ai préféré prendre de la soupe aux ravitos. En fait je ne m'en rends pas compte mais effectivement, je n'ai peut-être pas assez mangé. Je prends quelques fruits secs, quelques bouchées de purée de patate douce, un sandwich au nutella (ça c'est pour le moral!). Je repars après 15 minutes de pause.
Une longue montée raide de 800m+ me mène au refuge Bertone. Nous attendent ensuite 22km où je sais il faudra que je cours le plus possible. Pour cela, il faut que je reparte du ravito en ayant refait le plein d'énergie. Mais c'est la cata: je ne peux rien avaler. J'ai la nausée et des hauts le coeur dès que j'essaie de manger quoi que ce soit. Stupeur et tremblements. Je ne comprends pas ce qu'il m'arrive. D'abord je n'ai rien vu arriver, ensuite je n'ai aucun problème gastrique, pas mal au bide, rien. Juste mon estomac fait la grêve et ne veut rien entendre: non, le mag' est fermé, plus rien ne passera. Je repars donc sans rien avoir mangé à Bertone. Je ne pourrai rien avaler d'autre jusqu'au la Fouly, 30km et quelque 5h plus tard... Toute cette partie, pourtant la plus belle, et de loin, de tout le parcours, sera un long chemin de croix pour moi.



Ne pouvant rien avaler, je perds petit à petit de l'énergie. J'ai toutes les peines du monde à courir, même sur plat. Je marche de plus en plus. J'enrage car je sais que cette partie, je devrais pouvoir la courir. Mais je n'ai plus de jus. Je me sens faible, je suis faible. Je me fais doubler par ce qui me semble être des dizaines de coureurs, pourtant je ne perds que quelques places au classement. Il y a sûrement eu des abandons entre temps.


 La montée vers le col Ferret, pourtant peu difficile, est une galère. Je serre les dents pour avancer mais je n'ai pas les jambes. Je dois m'arrêter à plusieurs reprises. Un coureur me dit qu'il faut que je fasse des plus petits pas sans m'arrêter mais je n'y arrive pas. J'arrive clopin-clopant au sommet du Grand col Ferret. M'attendent 18km de descente où je suis habituellement à l'aise. J'espère pouvoir reprendre du poil de la bête.
Pourtant, dès le début de la descente, coup au moral: je me fais doubler par André le pyrénéen accompagné de Maria Semerjian. J'essaie de la suivre mais renonce rapidement. Je n'ai pas les jambes et c'est un coup à exploser. Je ne reverrai pas Maria, elle finira 1ère française en 29h34, un grand bravo à elle!
J'ai mal aux jambes, pas beaucoup d'énergie mais j'arrive tout de même à courir cela me remet du baume au coeur. Néanmoins je me sens vidée et à ce moment là je ne me vois pas, mais alors pas du tout, pouvoir continuer 60km comme ça.

Samedi 10h47: j'arrive à la Fouly où je retrouve Cyril et Alex. Ce n'est pas un point d'assistance mais je suis très heureuse de les retrouver. Cyril me trouve très marqué mais ne me le dit pas. Je lui explique que je n'ai avalé depuis Courmayeur, 9h30 plus tôt, et que je ne sais pas si je vais réussir à finir. Cyril joue parfaitement son rôle d'assistant: "si tu vas finir. Ca va revenir. Il faut absolument que tu te forces à manger un peu" etc etc. Il a raison évidemment. Il m'oblige à manger quelques petites choses au ravito pour tenir jusque Champex qui est le prochain point d'assistance. Je repars de la Fouly avec quelques calories dans le ventre.


Le reste du parcours jusque Champex est des plus monotone mais j'avoue que cela m'arrange vu mon état de fatigue. Cela me permet de reprendre un peu des couleurs. Je ne peux toujours rien avaler mais au moins la boisson énergétique repasse.

Samedi 13h15: voilà Champex où je retrouve Cyril et Alex. Cyril me dit que j'ai meilleure mine et qu'il faut que je continue à me forcer à manger, ne serait-ce que quelques miettes. J'arrive à manger un peu de purée de patate douces. Cyril blinde mon sac de barres énergétique mais celles-ci ne passeront pas jusqu'à l'arrivée. Ce sera juste un poids mort dans mon sac!
Je repars du ravito direction Bovine. Je n'ai pas beaucoup d'énergie mais finalement tout le monde commence plus ou moins à craquer. La montée est raide et difficiel avec tous ces blocs de pierre. Je dois m'arrêter plusieurs fois mais finalement j'arrive au sommet sans vraiment me faire doubler. J'y retrouve Hassein, Jean-François et Sylvie qui me font la surprise d'être là. Je suis tellement contente de les voir que je m'arrête quelques instants pour leur parler, me fais doubler par quelques gars avant de me dire "euh mais au fait j'ai un trail là" et de repartir. Physiquement je ne suis pas au top mais moralement, je suis sacrément reboostée!
La descente me semble longue est inintéressante mais c'est un peu une constante sur cette partie suisse de l'UTMB. Pourtant je suis bien placée pour savoir que la Suisse, ce n'est pas ça!


Samedi 16h32: je retrouve Cyril et Alex à Trient pour l'assistance. Maintenant je sais que je vais finir. Il me reste 2 bosses costauds mais il suffit de tenir et je verrai Cham. Cyril me remet des barres en me disant "il faut que tu manges" mais vu que je n'ai pas mangé depuis Champex, me voilà comme une mule avec des dizaines de barres inutiles dans mon sac. La seule chose qui passe c'est un peu de purée de patate douce au ravito.
La montée vers Catogne est raide également, on n'en voit pas le bout. Cela fait pas mal de temps maintenant que je joue au yoyo avec les mêmes coureurs. Nous sommes tous fatigués, nous en avons marre. On ne parle pas beaucoup mais c'est bizarre, j'ai l'impression de les connaitre. En tout cas je connais leur douleur.
J'arrive à Catogne. La descente vers Vallorcine est difficile à cet instant de la course. Chaque cailloux me semble un rocher. Je me prends à me demander pourquoi les suisses ont laissé tant de racines sur le chemin! C'est vrai ça ils auraient quand même peu les enlever!! :)

Samedi 18h58: Je retrouve Cyril, Alex, Farouk, Hassein, Jean-François et Sylvie à Vallorcine, rien que ça! Je repars avec le sourire. Mine de rien j'en vois le bout de cette aventure!


Je cours-marche jusqu'au col des Montets où je retrouve toute ma bande de supporter. Maintenant une grosse montée jusque la tête aux vents et ce sera la descente finale. Cette montée, je la fais dans des conditions magnifiques: au coucher du soleil, avec pleine vue sur le Mont Blanc. C'est juste magnifique. Je ralentis un peu mais je me dis "profite, c'est tellement beau". C'est long, très long jusque la tête aux vents. Ensuite, ce qui était une descente facile sur la Flégère s'avère être une descente technique où le moral prend un petit coup. Les quadri me brulent et j'en ai marre. Je connais ça: c'est l'effet "bientôt l'arrivée"! Je perds un peu de temps, et peut-être quelques places, sur cette portion.

Samedi 21h52: Voilà la Flégère. Grand ouf de soulagement. Je sais que c'est gagné, je serai "finisher". Reste 8km de descente facile où je n'ai plus besoin de m'économiser. Du coup, je lache les chevaux et fais une première partie de descente très rapide (et 3 chutes!) avant de retrouver un rythme plus normal. Ces 8km sont interminables, et ce n'est pas seulement parce que je suis fatiguée. J'arrive enfin sur le goudron de Chamonix. Quelques minutes de bitume et voilà la dernière ligne droite. Je savoure, tape dans les mains des spectateurs, lève les bras de bonheur, de fatigue. C'est une sensation phénoménale. 30h24, 130ème scratch, 9ème féminine. Quelle aventure!!!



3 commentaires:

  1. Bravo! Je mesure la différence entre l'UTMB et la CCC... Surtout au niveau du sommeil et de l'alimentation.. Tu as été forte et courageuse.

    RépondreSupprimer
  2. un grand bravo ! une très belle perf et un super CR.

    yanngobert.com

    RépondreSupprimer
  3. Bravo belle course...comment faire pour rentrer au dernier moment avec l élite sans en être un ? ;)

    RépondreSupprimer