Cette course je l'ai déjà faite en 2013, ce fut d'ailleurs mon 1er 100 miles. Cette année j'ai fait un plan de course (marche?) en 28h. C'est optimiste mais peu importe le chrono à vrai dire, l'objectif est, comme toujours, de faire du mieux possible. Et surtout de relier l'arche d'arrivée sur mes deux pieds. Enfin si au passage je peux battre le chrono de papy Marco... ;)
Sur la ligne de départ, on sent la tension, les regards "maintenant j'y suis", les doutes aussi "est-ce que je suis prêt?". Ludo fait monter l'ambiance, il y a un monde fou dans la rue, sur les balcons, partout où les gens peuvent se caser. Une effervescence unique au monde. J'ai l'habitude de dire que cet événement est le Disneyland du trail. Je comprends les réfractaires mais honnêtement, vivre ce départ, c'est quand même une expérience unique dans le monde du trail.
La musique de Vangelis retentit. Compte à rebours 5-4-3-2-1 c'est parti! Ca part vite devant et je me dis qu'il ne faut surtout pas que je m'emballe. Ce qui n'est pas chose facile avec les encouragements de la foule presque en délire (enfin dans mes rêves). J'essaie de me mettre dans ma bulle pour partir à mon rythme. Vu mes qualités de coureuse, pas mal de personnes me doublent mais peu importe. Objectif gérer.
Les fauves sont lachés. Où sont les gambettes? (si si, j'y suis). Photo: Irunfar |
Les premiers km sont plats et sans difficulté aucune. Si ce n'est que cette année, il fait une chaleur étouffante et je sue à grosses gouttes. Moins d'1h de course et mon t-shirt est complètement trempé. Même à la Réunion je n'ai pas sué comme ça! Je suis contente de voir arriver la première bosse, l'occasion de marcher un peu pour refroidir la machine (le Deleveret, 1h35, 178ème).
Enfin je marche! :) Photo: Prozis |
A Saint Gervais (2h16, 155ème), l'ambiance est hallucinante. Ca crie, ça hurle, ça tape des mains, franchement l'ambiance est géante! J'ai le sourire jusqu'aux oreilles. Ah c'est bon le trail quand même!!! Je croise le prez du TTT peu après, merci pour les encouragements! Par contre côté gambettes les choses se gatent puisque je ressens une douleur au releveur de la cuisse. Ce n'est pas insupportable mais la douleur ne fait qu'augmenter.
Arrivée aux Contamines (3h31, 136ème) où je vois Cyril pour le 1er point d'assistance, je suis pas mal inquiète et lui dis que je continue mais que c'est mal engagé... Je recharge le sac pour la nuit avec tout ce que j'avais préparé sauf la flasque de reload. Allez je balance: Cyril l'a oubliée à la voiture. Un jour vous m'expliquerez pourquoi il a choisi -je cite- de ne prendre "que les choses nécessaires"! ;) Allez, pas grave, je n'aurai pas mon fix de prot' mais je repars avec une flasque supplémentaire car avec cette chaleur étouffante je suis assoiffée.
Sur les heures qui suivent je bois à n'en plus pouvoir. Décidément je suis desséchée. Et au fur et à mesure que je me réhydrate, ma douleur à la cuisse diminue jusqu'à disparaitre. Ce n'était donc qu'une fausse alerte, une inflammation causée par un début de déshydratation.
Retour à la course avec un passage à Notre Dame de la Gorge mémorable. Merci à tous les supporters, vous êtes géants. C'est à partir d'ici que la course commence vraiment. Rien à déclarer sur la montée à la croix du Bonhomme (5h59, 115ème), pour l'instant ça roule (marche). Aux Chapieux (6h32, 106ème), Mélastique et Mathastique sont là pour les encouragement. Merci les copains! :)
Le voyage continue avec le col de Seigne (8h13, 84ème) puis le petit nouveau de l'UTMB qui souffle sa 1ère bougie: les pyramides calcaires. C'est du hors piste dans les cailloux, c'est technique de chez technique mais justement c'est ce que j'aime. Allez, une dernière montée pour la forme vers l'arête du Mont Favre (10h12, 71ème) avant de redescendre vers Courmayeur. On est dans le brouillard et à contre-courant de la PTL. On ne voit pas grand chose, les gambettes restent bien concentrées. Je double Yann qui accuse un peu le coup et abandonnera peu après. Dommage poto.
Arrivée à Courmayeur (11h23, 56ème) je me dis que tous les voyants sont au vert. Je suis étonnamment en forme, c'est de bonne augure. Ravito rapide puis je repars... sans ma visière. Je m'en aperçois peu après et reviens trouver Cyril qui me la tend. Il n'avait peut-être pas trouvé ça "nécessaire"! ;)
Petit jardinage dans Courmayeur mais comme beaucoup je pense (débalisage?). La montée vers le refuge Bertone ne se passe bizarrement pas très bien. Moi qui pensais avoir des gambettes de feu, je déchante. J'ai une envie de dormir irrépressible. Mes yeux se ferment, je lutte vraiment. Cela dure comme ça 1h jusqu'à sortir du brouillard au propre comme au figuré. C'était sûrement une combinaison de facteurs: le lever du jour qui est toujours le plus délicat à passer, l'éblouissement de ma lampe dans le brouillard, la digestion de la viande des grisons peut-être aussi (je me suis peut-être un peu trop lachée...). Toujours est-il qu'arrivée au refuge Bertone (12h42, 57ème) l'envie de dormir s'est envolée. Ce n'est malheureusement pas la cas de mes gambettes.
La traversée jusque Bonatti est laborieuse (13h51, 57ème). Il faudrait courir mais j'e n'y arrive pas. C'est marrant, ce passage c'est celui qui m'avait été presque fatal il y a 3 ans. Décidément, l'Italie ne veut pas de moi! J'arrive à Arnuva (14h35, 55ème) après une courte descente dans laquelle la machine récupère un peu. Et c'est parti pour une longue montée vers le grand col Ferret (15h51, 57ème). Je cale un peu mais par rapport à il y a 3 ans autant vous dire que je suis un avion de chasse! Cette montée je m'en souviens comme si c'était hier, il y a 3 ans j'étais scotchée sur place, un de mes pires cauchemars de course. Aujourd'hui, arrivée au sommet dans un état correct, je ne suis pas loin de jubiler! Je l'ai eu ce foutu col!!!
Direction la Suisse avec un début de descente sympa avant de retrouver ce qui sera notre pain quotidien sur toute cette partie helvète: de larges pistes bien droites et bien monotones. Tout ce que je n'aime pas. Je ne prends aucun plaisir mais je m'y attendais. Dans ces cas là, il vaut mieux ne pas trop se poser de questions, mettre un pied devant l'autre et continuer.
Arrivée à la Fouly avec le sourire de la guerrière. Photo: Cyril Pérot |
Je suis contente d'arriver à la Fouly où Cyril m'encourage (17h, 56ème). Il y a 3 ans, à ce même endroit j'était blanche(t) comme un linge et pas loin de l'abandon. Cette année, c'est un tout autre visage! Et avec le sourire s'il vous plait! Ca continue de descendre, c'est toujours pas marrant mais je sais qu'il faut passer par là. Ouf, voilà enfin Praz de fort. Vous pouvez sortir les ukulélés, on quitte cette foutue vallée!
La bosse qui suit est petite mais costaud. A Champex je retrouve Cyril pour le 3ème point d'assistance (19h08, 53ème). Changement de chaussures et c'est reparti. Cette fois Cyril n'a rien oublié, comme quoi tout arrive!! :) Je n'ai pas oublié non plus mon fix de tarte aux myrtilles, ça fait pas loin d'1 an que j'y pense à celle là!
La bosse qui suit est petite mais costaud. A Champex je retrouve Cyril pour le 3ème point d'assistance (19h08, 53ème). Changement de chaussures et c'est reparti. Cette fois Cyril n'a rien oublié, comme quoi tout arrive!! :) Je n'ai pas oublié non plus mon fix de tarte aux myrtilles, ça fait pas loin d'1 an que j'y pense à celle là!
Sortie du ravito de Champex, tarte à la main! Photo: Cyril Pérot |
A partir de maintenant, c'est 3 "petites" bosses jusque Chamonix. 9h quand même mais je sais que sauf accident je verrai l'arche d'arrivée. Je passe correctement la première bosse via la Giète (21h26, 44ème) même si avec la chaleur étouffante je n'arrive plus à m'alimenter en solide. Néanmoins je sais qu'il faut que je me force à reprendre qq calories, sous quelque forme qu'elle soit. En l'occurrence, ce qui passe encore c'est les compotes (actifood) et pates de fruit (energy fruit boost).
Arrivée à Trient (22h08, 45ème), les choses s'emballent. Cyril me dit qu'Uxue qui était 1h devant à la Giète commence à craquer. Mon frère aussi s'excite via SMS. Vu les écarts, j'avais fait le deuil de cette 3ème place mais ... et si je lui refaisais le coup de la diag'??? Je repars motivée.
A Catogne, j'ai 43' de retard sur Uxue, à Vallorcine 34', au col des Montets 22'! Mon frère s'emballe avec des "tu vas deux fois plus vite qu'elle" (quand elle monte et tu descends), "tu voles" etc. Ca me boost d'autant plus qu'au col des Montets, des copains en délire (au moins!) m'encouragent! Merci les potos: Mel, Math, Ram, Sophie.
Au col des Montets. C'est uniquement pour la photo que je marche! ;) Photo: Cyril Pérot |
C'est parti pour la chasse espagnole!! :) J'aborde d'un bon pas la montée vers la tête au vent mais au fur et à mesure que la pente augmente, j'ai de plus en plus de mal à avancer et encore plus à relancer. Les cuisses brûlent après 160km de course et il faut dire aussi que les pentes très raides, ce n'est pas spécialement ma plus grande qualité (si jamais j'en ai!). Je n'ai pas de bâton et sur cette fin de course je me dis qu'ils auraient quand même été utiles. Finalement à la tête aux vents, il y a 28' d'écart (26h08, 41ème). Je sais que c'est trop, fermeture de la chasse. Tout ce qu'il me reste à faire, c'est continuer mon petit bonhomme de chemin, avancer tout en gérant pour éviter l'accident.
C'est ici que la météo décide de nous jouer des tours. Après 25h de canicule, je vois de gros nuages noirs qui se forment et le tonnerre qui gronde dans les aiguilles rouges. Il commence à pleuvoir, des dizaines et des dizaines d'éclairs fendent le ciel pour éclater juste à côté de moi. C'est carrément flippant! Surtout que je suis seule, pas une frontale devant, pas une frontale derrière!
Lorsque je rejoins la Flégère (26h46, 41ème), c'est un soulagement pour moi et pour les bénévoles! Ouf! Allez, c'est reparti, maintenant il ne reste plus qu'à descendre. Je me lache un peu sur cette dernière descente bien roulante, je double plusieurs coureurs scotchés sur les rochers glissants. J'entre dans Cham sous des cordes d'eau. Bizarrement, je n'entends pas la sono. Ludo où es-tu? Je franchis la ligne dans le grondement de l'orage mais c'est étrange, personne n'annonce mon arrivée. Serais-je en train de rêver? En fait je me retourne et vois le speaker qui s'époumone dans un hygiaphone mais n'arrive même pas à couvrir le bruit de l'orage. Il vient d'y avoir une coupure de courant, la sono est HS. Il s'excuse de ne pas pouvoir mieux m'accueillir mais moi je trouve ça génial, cette arrivée apocalyptique, je m'en souviendrai longtemps! :)
27h37, 4ème femme, 39/1468 (3%) au scratch. Houah, honnêtement je n'aurais jamais pensé pouvoir faire si bien. C'est l'équivalent de 4h de moins qu'il y a 3 ans! La tête de course est à 2h20, c'est beaucoup mais je progresse. Caro, fais gaffe à tes fesses!! :D
10 premières sardines hommes et femmes! Photo: Cyril Pérot |
Cette perf, je la dois à mes gambettes mais aussi et surtout à tous ceux qui me suivent, m'encouragent et me portent à distance. En premier lieu Cyril évidemment, toujours là pour le soutien "nécessaire"! :) Mon frère aussi, ainsi que Jenny et mes pretty neveux. 20/20 pour le suivi SMS cette année! Vous avez été top! Ma famille, collègues et amis qui ont scruté mon passage sur les webcams. Spécial merci aux "potes du nord" et leurs jeux de mots foireux. Petit florilège: "C’est de la Fouly quoi !", "Elle n'a pas l'air de se Fouly, elle marche", "La tête au vent, (F)légére comme une bière blonde, elle dévale les montagnes jusqu’à l’arrivée". Merci les poètes!
Enfin et comme toujours, je remercie ceux qui me soutiennent et me permettent de vivre de si belles aventures: isostar, Raidlight, trailstore, Naïtup, Polar, BVsport, Stations de trail.
Prochain épisode.... chut, c'est une surprise! :)