jeudi 18 octobre 2018

Diagonale des fous 2018 - C'est la dernière fois! (avant la prochaine)

23h à St Pierre, je suis pour la 3ème fois en quatre ans au départ de la Diagonale des Fous (2014-2016-2018). Contente d'être ici dans cette ambiance de feu, sur cette île qui vibre littéralement pour cette course. L'enchainement avec l'UTMB ne m'inquiète pas plus que cela, d'ailleurs je l'ai déjà fait en 2016. Devant nous, nous attendent environ 167km 9600+. Ah ouais quand même.

[Voir le parcours sur tracedetrail]

Le départ est donné comme chaque année dans une ambiance de DINGUE! Il faut les voir ces milliers de personnes, tapant des mains, criant. Une émotion immense. A chaque fois j'en ai les larmes aux yeux! Merci les amis!

Cette ambiance hallucinante est d'autant plus bienvenue que la première partie de course est ultra roulante et -il faut bien le dire - pas très intéressante. Les 15 premiers km jusque Domaine Vidot sont presque que de la route. La Saintélyon n'a qu'à bien se tenir! :)

Après Domaine Vidot commencent enfin les sentiers. J'entends une petite voix dans ma tête me dire "c'est ici que ça commence". Les km passent, la nuit s'écoule petit à petit et tout va bien pour moi. J'ai pris mon rythme de croisière, il fait bon, le peloton s'étire, j'ai le plaisir d'être de plus souvent seule. What else?

Petit coup de flippe quand même au début de la montée au coteau Kervegen. Le balisage est plus que minimaliste, je suis seule et me demande plusieurs fois si je suis sur le bon chemin. J'en arrive même à éteindre ma lampe pour voir s'il y a des lueurs devant. Et la réponse est oui, ouf!

La descente qui suit est dans sa première partie vertigineuse! Casse de fibres, droit devant! A Cilaos je retrouve Cyril, Guillaume, Daf (Fabrice Payet) et son équipe. Changement de pneumatiques, on refait le niveau d'huile, on gonfle les pneus et c'est reparti.

La montée du Taibit est un GROS morceau: 1200+ en 6km! D'expérience je sais qu'après 70km de course, on la sens passer! Pourtant cette année, elle passe comme une lettre à la poste. Elle commence à être trop facile cette Diagonale! ;)

C'est en haut du Taibit qu'on bascule sur Mafate où on passera les 50 prochains km. Depuis Cilaos il fait chaud, je transpire et ce n'est pourtant que le petit matin. Mais ces 10 prochaines heures dans Mafate le terme "chaleur" prendra une toute autre signification. On m'avait dit que Grenoble était irrespirable l'été. C'est que vous n'avez pas vu Mafate! C'est une autre dimension. On est sur une autre planête. Mars peut-être. Ou même le soleil. Je cours dans un four. Bloqué sur pyrolyse. J'ai chaud, je transpire, j'ai chaud, je transpire, j'ai chaud, je transpire. Un truc de fou.


Les premiers km dans le four (Marla). Photo: Olivier Lemaire


Les heures et les km passent, pourtant il fait à peine moins chaud. Mon corps est une comme frite sortie de l'huile bouillante (Cyril appréciera la comparaison). Je me plonge la tête dans chaque ruisseau. J'y remplis mes flasques aussi. Mais arrêtez-moi ce four, on est déjà cuits je vous dis! Je bous à l'intérieur mais il faut avouer que pour les yeux c'est une régalade: quelle beauté ce cirque!

A Grand Place c'est le début de la délivrance : la montée finale pour sortir de Mafate (1600m+ quand même). Laissez-moi passer! J'étouffe, je veux sortir! Motivée par la fraicheur toute relative que j'espère trouver au Maido, je fais une très bonne montée, accompagnée à partir de Roche Plate d'un autre coureur et son épouse venus l'assister. On discute (enfin surtout les nanas!) et, comme le Taibit, la montée passe comme une lettre à la poste. Décidément, j'ai du bien gagner en puissance cette année. Merci Guillaume! ;)

Dans quelques mètres, la sortie du four! Photo: le papa d'Audrey


Au Maido, ravito express de Jérôme qui réussit même à ne pas remplir mes flasques d'Hépar! (private joke). Il fait moins chaud, je transpire moins pourtant j'ai comme un halo de chaleur tout autour du visage. Il ne me quittera pas de toute la course.

La descente vers Sans Soucis (1800m-) est INTERMINABLE. Je le savais, je m'y étais préparée dans la tête, et pourtant chaque fois je suis étonnée que ça puisse être aussi ch... euh ennuyeux. C'est une délivrance d'arriver à Sans Soucis et de retrouver des têtes amies (et plus si affinités): la famille Porcherot, Ben et bien sûr Cyril. Ce ravito est important pour moi d'abord parce qu'il marque l'entrée dans la dernière partie de course. Ensuite (et peut être même plus ;)) parce que c'est ici qu'ils font des crêpes! Un peu comme la tarte aux myrtilles de Champex sur l'UTMB, les crêpes de Sans Soucis j'y pense depuis le début de la course! Et je ne manquerai pas d'en avaler trois d'un coup! Glump! :)


Ravito de Sans Soucis. Les crêpes sont déjà englouties! Photo: Jean Porcherot


La montée qui suit n'est pas vraiment intéressante et même un peu glauque. C'est la 3ème fois que je la fais, jamais vraiment à la même heure, et pourtant c'est toujours sur cette partie que j'ai le plus envie de dormir. J'avale des paquets entiers de gingembre pour me réveiller. Si les vertus qu'on lui attribue sont vraies, il ne faudrait pas qu'un Apollon croise ma route à ce moment là! :) (Cyril où es tu?)

La descente qui suit est dantesque. D'abord le chemin Ratineau qui n'a de chemin que le nom. Chez moi quand il n'y a pas de trace, on n'appelle pas ça un chemin. Ensuite le chemin Kalla qui est en fait un interminable enchevêtrement de cailloux. C'est ici que je double Mimmi Kotka qui est à l'arrêt et complètement hagard. Elle était en tête les 100 premiers km avant de piocher. Elle finira la course en marchant. Chapeau mam'zelle pour avoir eu le courage d'aller au bout. Me voici donc sur le podium virtuel: 3ème. :)

A la Possession je retrouve ma team d'assistants pour un ravito express. On m'annonce qu'Audrey est juste quelques minutes devant. OK, je déclare la chasse ouverte! Ca durera ainsi deux heures. Mon gibier est juste devant, je le vois et le reconnais mon chamois des Bauges. ;) C'est après Grande Chaloupe que je la rattrape. Je la double et l'encourage... en espérant évidemment qu'elle ne me suive pas! ;) Mais le chamois est coriace! Je me retourne plusieurs fois mais je peine à creuser l'écart. 50m, 40m, houla ça diminue, 30m, 20m, houla c'est chaud, 10m, argh la voilà revenue sur moi! Et au pas de course alors que je marche! Va-t-il falloir se "battre" jusqu'au dernier mètre comme avec Uxue en 2014? Relancer dès que possible? Grappiller chaque seconde? Après 27h de course je ne sais pas si j'en ai le courage! Mais Audrey non plus! C'est ainsi qu'au milieu de la dernière bosse, on décide de finir ensemble. Et ce sera bien plus sympa comme ça! D'ailleurs nous ne sommes pas 2 mais 3 puisque Pierre finira avec nous même si le gentleman aura l'élégance de nous laisser franchir la ligne à deux. 29h23, 2ème femme ex-aequo, 17ème au scratch sur 1961 arrivants (0.9%). Not too bad! ;)




Les trois fantastiques! ;) Photo: Jérôme Bernard


Cette course est tellement dure, tellement éprouvante, tellement looooongue que les dix dernières heures je me suis dit "ok, tu l'a faite trois fois, ça suffit, c'est la dernière, d'ailleurs tu n'aurais même pas du venir aujourd'hui". Et puis la ligne franchie, ça devient "ok c'était la dernière fois mais je suis contente de l'avoir faite". Le lendemain je notais déjà la date de 2019 dans mon agenda! ;)

Un grand merci du fond du coeur à tous ceux qui ont contribué à ce résultat. A Guillaume évidemment pour son coaching et son soutien. A Ben et la famille Porcherot pour leur silence pendant mon ravito et les encouragements juste après! A mon grand frère pour les nombreux textos et à ma belle soeur pour accepter les appels intempestifs en pleine nuit! A la team Daf pour l'assistance en or à Mare à boue et dans Mafate avec une mention particulière pour les patates douces de Grand Place! Et à Cyril évidemment pour... tout. Ainsi qu'à mes sponsors et amis qui me soutiennent et me permettent de vivre des moments si intenses: vibram, NaïtUp et Hammer Europe.

C'était probablement la der' de l'année.... mais probablement pas ma dernière diagonale! ;)