vendredi 9 octobre 2015

100 miles family

Je me décide sur le tard à participer à cet ultime ultra de la saison, les 100 miles Sud de France (comme on dit en bon français),  C'est vers mi-aout alors que je rentre d'un week-end choc à Font Romeu, que je me dis que décidément c'est pas mal les Pyrénées. C'est sauvage et rude... c'est moi ! Et puis il faut bien que je me trouve une occupation après la TDS, qu'est ce que je vais faire de mes week-ends sinon ? Y a-t-il une vie après le trail ? :)

Les six semaines post-TDS se passent bien. J'ai retrouvé la pêche et la banane : ils annoncent du beau temps, l'envie est là et c'est bien le principal. La veille, évidemment, le doute resurgit mais j'ai l'habitude de ne pas écouter le petit diable de mon esprit (qui prend parfois l'aspect de ma mère mais c'est une autre histoire). Ce qui m'attend le lendemain c'est une belle traversée de la montagne à la mer, 166km pour 8000m+ et 9700m-.




Nous sommes moins de 200 sur la ligne de départ. C'est sûr que ça change de la douce folie chamoniarde mais je suis un fille de contrastes. L'ambiance s'annonce bon-enfant et l'organisation familiale. Idéal pour finir une saison. Non décidément je sens qu'il va me plaire ce trail.

Le départ est donné derrière une ribambelle de jeunes de Font Romeu. Les plus aguerris nous accompagneront jusque Planès, c'est sympa. A Mont Louis, premières émotions de cette journée avec le passage à l'intérieur de la forteresse, au milieu des militaires.

Traversée de la forteresse de Mont Louis. Photo: organisation

C'est à partir de Planès, km12 que les choses sérieuses commencent : succession de montées raides et descentes non moins raides, singles de montagne techniques et caillouteux. Comme à la maison quoi. Tout se passe bien et j'arrive presque sans m'en rendre compte à la première base de vie, Vernet-les-bains, km53.

Je n'ai pas d'assistance avant le km90 et je sais que cette base est importante : il y a tout un tas de choses que je dois faire et je stresse à l'idée d'en oublier: prendre le matos pour la nuit, vérifier les bandages aux doigts de pieds (et en l'occurrence les refaire), laisser quelques vêtements, manger, refaire le pleins de barres, boisson etc. Bref, rien d'exceptionnel et encore moins de vital mais j'ai pris la mauvaise habitude d'être assistée sur mes courses et me voilà perdue comme une gosse sans son doudou. Papaouté??? Je suis concentrée comme paic citron pour ne rien oublier. Des bénévoles viennent me parler et je leur répond à peine. Viendez pas dans ma bulle j'ai des choses à faire ! :)

Photo: Jenny Blanchet


Je repars de la base sans avoir rien oublié, et sûrement même beaucoup trop pris. Mon sac pèse une tonne (au moins). La montée qui suit est la plus longue : 1500m+ jusqu'au refuge des Cortalets (km64) au pied du Canigou, un coin que je connais déjà. Je rattrape rapidement la queue de course de la Grande Traversée, partie 30' plus tôt. Je doublerai de nombreux coureurs (marcheurs ? :)) sur toutes les prochaines heures. Le positif c'est que ça me motive pour me bouger le popotin, le négatif c'est que c'est fatiguant de doubler ainsi. La nuit tombe et les température avec, on n'est pas loin du zéro. Je suis finalement contente d'avoir dans mon sac de quoi passer la nuit au chaud: gants, bonnets, veste, je mets tout, je suis un bibendum mais je suis bien.

Je m'attarde à peine au refuge pour ne pas me refroidir, un peu plus à Batère (km79) au ravito suivant. Je SMS mon grand frère pour lui dire que je repars. Il m'attend à Arles et il me tarde de le rejoindre. Un peu trop peut-être : dans la précipitation, mon pied se prend entre deux cailloux, vol plané, atterrissage sur la hanche, roulez jeunesse. Je reste à terre, sonnée quelques instants. Mais c'est pas un vulgaire bout de cailloux qui va m'arrêter, alors je repars comme je peux, en marchant d'abord, puis en clopinant ensuite. C'est la hanche qui est douloureuse avec une plaie assez profonde.

A Arles (km90), je montre la plaie à mon frère qui m'oblige à aller me faire soigner. Une gentille médecin s'occupe de moi en même temps que je me ravitaille. Je pioche allègrement dans la montagne de patates douces préparées par mon frère; je lui avais demandé 500g, il a du comprendre 5kg... Je ne risque pas de maigrir sur cette course! Je repars d'Arles après une 10aine de minutes d'arrêt, repue et presque neuve. La hanche ne me gênera presque plus jusque l'arrivée (merci mesdames les endorphines). Peu après, surprise, je reçois un SMS de Cyril qui m'annonce à 3' de la tête de course… masculine! Alors là c'est une première! Advienne que pourra, je me dis autant jouer le tout pour le tout et je repars motivée pour les rattraper. Je rejoins mes hommes peu après et plutôt décide d'attaquer. Même pas peur! Seulement Pascal ne l'entend pas cette oreille là: il reste derrière moi dans la montée, puis me double à la faveur d'un plat. Et c'est là que je réalise que je suis en train de jouer à un jeu dangereux : Pascal est bien plus frais que moi. Soit je tente de le suivre et explose dans 10km, soit je temporise et relie l'arrivée. Il va sans dire que je choisis la 2ème solution !

Photo: Jenny Blanchet


Il est vrai aussi que je commence à avoir mal aux jambes, des sortes de grosses courbatures. Pourtant physiquement je ne me sens pas mal. Je suis étonnée, c'est la première fois que ça me fait ça. Pour couronner le tout, je commence à avoir envie de vomir. Pas de panique, il y a toujours un moment où ça me fait ça et je sais ce qu'il faut faire : pastilles vichy jusqu'à ce que ça passe, en général une grosse heure. Effectivement je retrouve l'envie de manger peu avant le ravito de las Ilias (km117). Et là, sketch : entrée dans le refuge, je ne vois pas mon frère. En fait si, il est là mais à une 100aine de mètres, sur le parking en train de roupiller !! Pas de réseau et donc impossible de l'appeler. OK pas grave, je mange quelques trucs qui me font envie (la diététique d'abord : brioche et cake aux fruits) et repars, non sans insister bien 4-5 fois « vous direz bien à mon frère que je suis déjà partie ». Ce serait dommage qu'il m'attende ici pendant que je suis au Perthus !

Peu avant la base du Perthus (km130), 2ème clin d'oeil de la journée avec le passage dans la forteresse, bien sympa. Je retrouve mon frère à la base, cette fois il n'a pas osé dormir ! Je lui laisse un ribambelle d'affaires chaudes dont je n'aurai plus besoin et repars pour la dernière grosse bosse. Cette dernière partie est moins sympa, moins sauvage avec en grande partie de larges pistes dans la forêt (de belles couleurs automnales parfois quand même). Les 10km entre le col de l'ouilla (km140) et le col des 3 hêtres (km150) me semblent interminables. C'est presque plat et je sais qu'il faudrait que je cours mais je n'ai ni les jambes ni l'envie. C'est long un 100 miles quand même, j'avais presque oublié.

On m'avait prévenu que la descente vers la Vall était d'anthologie et on ne m'avait pas menti : c'est très raide avec de gros rochers à sauter, parfois même des mains courantes. C'est fatiguant voire éreintant mais c'est ce que j'aime et bizarrement ça me redonne du peps. Surtout qu'à la Vall (km154) m'attend la team Blanchet au complet, avec en tête mon petit neveu toujours de bonne humeur (!) et ma petite nièce si sage (!!). Je les retrouve une deuxième fois à Valmy (km160) avant la dernière ligne droite. Je m'étonne moi-même de courir presque facilement les cinq derniers km de plat alors que je n'y arrivais pas quelques heures plus tôt. La vue d'une arrivée prochaine probablement. Comme quoi l'ultra c'est presque plus dans la tête que dans les jambes.

Je franchis la ligne en 27h15, 1ère femme, 2/108 au scratch (2%).

Photo: Jenny Blanchet


C'était mon dernier ultra de la saison et je suis bien contente d'avoir fini sur une course si sympathique. Un grand merci à l'organisation: ces aventures, on vous les doit! Toute ma gratitude aux bénévoles: je me suis sentie comme à la maison, ça fait longtemps que je n'avais pas connu ça en course. Enfin un énorme merci à la team Blanchet, mon frère en tête, pour l'assistance et les encouragements qui m'ont donné des ailes. Et surtout merci à mon frangin pour le ravito de las Ilias, vraiment, fallait pas !! :)

6 commentaires:

  1. Hé tatie, très beau récit, heureusement qu'on était là pour t'aider, ça a l'air dur dis-donc vu de là. C'est mieux d'attendre tranquillou au ravito (mais nous on y était nous !) en se faisant servir de coca et de bonbons par les gentils bénévoles. Courir, quelle idée. Bravo en tout cas, on est encore fiers et prêts pour la course suivante ! Kisses, Mister Happy and Miss Cheeky.

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  2. Très beau CR Juliette, à l'image de ta course !! ;-)
    Pour avoir été à côté de toi sur la base de vie d'Arles, je confirme pour les 5kg de patates !! :-p
    A bientôt
    Greg

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    1. Greg je te rassure je n'ai pas réussi à venir à bout de cette montagne, celle-là a eu ma peau! :)
      T'étais sur quelle course?

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    2. J'étais sur la Grande Traversée solo
      Tu m'as doublé dans l'ascension après Arles... Tu étais devant Pascal à ce moment ^^
      Mon CR ici -> https://www.facebook.com/notes/greg-de-prada/compte-rendu-grande-travers%C3%A9e-du-sud-de-la-france-2015/10208506856011966
      A plus
      Greg

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  3. Encore bravo !

    Et dans tes oreilles y'avait quoi ??

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    1. Merci yann! Le truc vert c'est un lecteur de musique (play2run). Et dans le paly2run il y avait de la musique classique, ça me boost la nuit.

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