[voir le parcours sur tracedetrail]
Nous sommes environ 250 au départ à 10h du mat à Font Romeu. Bon, c'est sûr, ça me change de l'UTMB! Un petit tour de stade sera suffisant pour étirer le peloton. Je me doute que je risque de piocher sur la fin de course, pourtant je pars à un rythme correct de "aller au bout sans vendre des cravates". Je suis en tête de la course féminine dès les premiers mètres. C'est facile à voir puisqu'il n'y a qu'une vingtaine de gars devant moi. Ah le plaisir des courses intimistes!
Les 13 premiers km sont sympa et permettent de s'échauffer en douceur puisque c'est globalement descendant. Je trouve que les jambes sont plutôt bonnes, ça c'est déjà un bon point.
Photo: organisation |
C'est à Planès (km13) que la course commence vraiment avec les premières montées. Mais là c'est un sketch: je suis bien sur le GR10 mais je ne vois plus aucune rubalise. Je veux faire demi-tour mais un coureur derrière moi me dit qu'il a fait la reco et que si, c'est par là car il faut suivre le GR jusque Arles. OK donc, va pour le GR mais c'est quand même assez déroutant car sur les 10 prochains km je verrai peut-être 2 rubalises... Heureusement qu'il y a la peinture rouge et blanche du GR!
En tout cas le sentier en lui-même est vraiment canon. Jusqu'au col Mitjà (km25) on n'a presque que des monotraces, souvent techniques. C'est très sauvage et "pyrénéen". La vue du col de Mitja vaut le détour. Je me dis que j'ai bien fait de craquer et de la faire cette course!
Photo: Olivier Jeantet |
Le festival pyrénéen continue avec le joli col de Pal (km33) puis une longue descente entrecoupée de quelques bosses jusque Vernet les bains (km55). Là je retrouve mon assistant du jour, en la personne de Denis (également organisateur du Ceven'trail). J'ai un peu honte car cela fait des heures qu'il m'attend et je ne reste que quelques minutes, sans décrocher un mot en plus! Ah si, j'ai quand même le culot de lui faire remarquer que ces chaussures qu'il a sorties du sac, elles n'ont rien à faire là puisque c'est seulement à mi-course que je lui ai demandé de les préparer. C'est que mamie a ses manies et en l'occurrence c'est qu'il y ait le minimum de choses sur la table d'assistance. Comment ça, je suis psycho-rigide en course? Dans la vie aussi peut-être en fait... ;)
Je repars du ravito malheureusement 5' après le départ du 120km. Mauvais timing car ce qu'y m'attend, c'est 10km 1500+ de sentier étroit sur lequel je vais devoir beaucoup doubler. Les coureurs sont très sympas, beaucoup se poussent et préviennent devant pour qu'on s'écarte. J'ai droit à beaucoup d'encouragements, ça me motive, mais ce rythme de "doubler vite-reprendre ma respiration derrière" est épuisant. Je laisse pas mal d'énergie dans la bataille. Au refuge des Cortalets (km65) c'est la cohue et comme je n'aime pas ça, je repars aussi vite que possible. Venez pas m'embêter, je veux être seule! De toute façon, mieux vaut ne pas trop s'attarder car la nuit est tombée et il commence à faire frais (nous sommes au point culminant, 2180m).
Peu après le brouillard fait son apparition. D'abord léger puis tellement épais que je peine à voir quelques mètres devant. Je jardine plusieurs fois car je ne vois pas le balisage, pourtant irréprochable, mais la visibilité est telle que même le chemin devant mes pieds est difficile à discerner. En plus je suis seule, je ne vois pas une frontale ni devant ni derrière. Un bon coup de flippe quand même! Autant vous dire que je suis bien soulagée d'en sortir peu avant Batère. En plus cerise sur le gâteau, je retrouve mon grand frère et Céline qui me font la surprise d'être là. Mon frère me dit "le ravito est juste en bas, il y a un groupe de 4-5 féminines qui font une pause". Je souris car je comprends qu'il ne sait pas qu'elles sont sur le 120km. Devant moi sur le 100 miles il n'y a que 6 gars...
Le ravito de Batère (km80) est bien trop bondé à mon goût. Je leur dit que je vais juste remplir les flasques et repartir. A quoi mon frère répond: "quoi, on a fait toute cette route, on t'a attendu dans le froid, dans la bruine et toi à peine tu arrives et tu repars?". C'est une pâle imitation de ma mère sur le ravito de Cilaos sur la diag 2014 sauf que elle le disait tout à fait sérieusement! :) Je repars en ne pensant ne plus les revoir. Mais c'est mal connaitre mon frère puisque cerise sur la cerise sur le gâteau, je les retrouve 10km plus loin, juste avant Arles sur Tech (km92). On rejoint ensemble le ravito où Denis nous attend. Je suis bien et je prends le temps de leur dire au moins deux phrases en me ravitaillant (purée pommes de terre-lentilles-curry). En repartant j'ai quand même droit de la part de mon frère à un "quoi déjà? tu repars sans même m'avoir demandé comment j'allais". Tout cela évidemment avec un grand sourire! :)
Au ravito d'Arles sur Tech. Photo: organisation |
Les deux bosses suivantes ne paient pas de mine sur le papier mais elles sont trompeuses. Il y a beaucoup de cailloux, voire de rochers à enjamber, notamment le puit à glace qui est une tuerie pour ceux qui aiment le roulant. Plus sauvage, tu meurs! Mais ça tombe bien, j'aime ça! On a passé les 110km et je me sens bien, je prends du plaisir et suis vraiment contente d'être là. Mais dans la descente suivante changement de scénario car une douleur à l'épaule gauche se déclare. C'est le mouvement de balancier du bras qui me fait souffrir, lorsque le coude passe derrière le corps. Cette douleur, je ne l'ai pas vue venir et à ce jour je ne l'explique toujours pas (quelque chose de coincé?). La solution que je trouve, c'est de bloquer mon bras gauche sur mon ventre ou dans ma poche pour l'empêcher de bouger quand je cours. Mais mon équilibre s'en trouve affecté et je pers du temps, notamment sur les descentes techniques que je dois faire en marchant. Oui, tout le monde ne s'appelle pas Kilian Jornet (cf sa hardrock en 2017)!
J'avance mais ça doit quand même me faire gamberger car dans la descente vers le Perthus, je rate une bifurcation à droite (certes pas très bien indiquée). Je continue quelque temps la piste forestière avant de comprendre mon erreur. Je perds une quinzaine de minutes dans l'histoire. Pas très grave mais je suis en colère contre moi. Surtout que je suis un peu sur les nerfs avec cette foutue épaule qui me fait de plus en plus mal. Ce n'est pas une douleur insurmontable mais autant je résiste bien à la douleur de fatigue musculaire, autant je suis très faible face à la blessure. Je gamberge en espérant que ça n'empire pas.
Au Perthus (km135), je retrouve Denis pour une assistance encore parfaite. Je lui dis que j'ai mal à l'épaule et que je risque de perdre du temps en descente sur mon plan de course (marche!). Je repars pour la dernière grosse bosse. La montée au col de l'Ouillat se passe bien mais juste au dessus, un vent glacial souffle. C'est dingue, j'étais en tshirt juste avant et en quelques minutes, je dois mettre les manchettes et sortir la veste. Les gants n'auraient même pas été de trop! C'est de loin l'endroit le plus froid de la course, pourtant il fait beau, il est midi et on n'est qu'à 1200m d'altitude. Il y a un micro-climat assez hallucinant car à peine passé le Puig Neulos, je crève de chaud et dois tout enlever!
Je fais la descente vers la Vallée Heureuse en marchant. Il y a l'épaule évidemment mais il faut aussi avouer que mes cuisses sont gorgées de lactate depuis quelque temps. Probablement un souvenir de l'UTMB que je n'ai pas entièrement récupéré. Je retrouve Denis au ravito de la Vallée Heureuse (km155). J'ai le visage fermé et probablement marqué. Je ne sais plus si je lui parle, en tout cas je n'ai pas du dire grand chose d'autre que le "j'ai mal à l'épaule" qui tourne en boucle dans ma tête. Je vais finir mais je sais qu'avec cette douleur je ne vais plus beaucoup m'amuser. Il faut aussi dire que cette dernière partie de course est moins fun car il y a beaucoup de pistes et moins de vue qu'au début.
Photo: Denis Campigna |
Peu de temps après, je me fais doubler par un coureur du 100 miles. Il est d'une fraicheur d'une autre dimension par rapport à moi. Je n'envisage même pas d'essayer de le suivre. Je le suis quelque temps des yeux et le trouve très beau avec sa foulée légère. Une antilope qui double un éléphant, voilà l'image que je m'en fais. Je perds avec cela ma place sur le podium scratch (j'étais 3ème au général).
Je passe tant bien que mal le Puig de Sant Miquel (km160) et Lavail. C'est avec une joie intérieure non dissimulée que je retrouve le bitume, synonyme de presque arrivée. "Presque" parce qu'il me faut encore parcourir près de 5km de route pas très rigolos. Heureusement je retrouve Olivier qui finira avec moi ces dernières minutes. J'ai aussi la surprise et le joie de retrouver mes beaux-parents qui sont en vacances dans la région et sont venus me voir. Je franchis la ligne en 29h13, 1ère femme, 4ème scratch/141 (3%).
Ainsi s'achève ma saison 2019 puisque c'était mon dernier dossard de l'année (normalement...). Le bilan de la saison viendra plus tard mais une chose est sûre, je suis extrêmement contente d'avoir fini sur cette course familiale qui fait du bien au coeur. J'avais besoin de tourner la page de l'UTMB et quelque soit le résultat, c'était de toute façon une bien belle façon de le faire! Merci à l'organisation de nous avoir concocté ce beau 100 miles de fin de saison, merci aux bénévoles qui sont toujours extras mais qui le sont peut-être même encore un peu plus sur cette course! Et une énormissime merci à Denis qui a assuré une assistance en or! On remet ça quand tu veux chef! ;)
A l'an prochain pour de nouvelles aventures!